Les
données récentes de l'actionnariat salarié
en Europe confirment les tendances lourdes
observées depuis une dizaine d'années. Dans
les grandes entreprises européennes, l'actionnariat
salarié se dégrade, particulièrement en France.
Par
contre la dynamique de l'actionnariat salarié
en Europe est en train de se déplacer vers
les PME. En quelques années, la Grande Bretagne
s'est imposée comme le Numéro Un en Europe
pour l'actionnariat salarié dans les petites
et moyennes entreprises.
Dans
les grandes entreprises entreprises, le nombre
d'actionnaires salariés piétine, il ne parvient
pas à retrouver le niveau atteint en 2011
(Graphe 1). Il est plus bas aujourd'hui
qu'il y a dix ans, avec 6,85 millions d'actionnaires
salariés recensés à présent dans les grandes
entreprises. Si l'on y ajoute un million d'actionnaires
salariés dans les PME, le nombre total en
Europe n'atteint plus que 7,9 millions contre
8,2 millions en 2011.
Le
taux de démocratisation de l'actionnariat
salarié poursuit sa chute (Graphe 2),
l'actionnariat salarié est de moins en moins
démocratique en Europe. Un salarié sur cinq
est encore actionnaire de son entreprise aujourd'hui
au lieu d'un sur quatre auparavant. La chute
a été particulièrement prononcée en France.
Ainsi l'emploi a fortement augmenté dans les
grandes entreprises françaises, mais le nombre
d'actionnaires salariés n'a pas suivi. Si
le taux de démocratisation avait pu être maintenu,
les grandes entreprises françaises devraient
compter 3,7 millions d'actionnaires salariés
aujourd'hui au lieu des 2,9 millions recensés.
Enfin,
troisième indicateur de l'actionnariat salarié
en Europe, la part des salariés dans le capital
des grandes entreprises européennes a cessé
de croître. Elle n'est plus que de 3,01% en
2023 contre 3,10% en 2013 (Graphe 3).
Là-dessus la part des salariés ordinaires
(non dirigeants) est revenue à 1,60%, au plus
bas depuis 2007.
Du
côté des indicateurs positifs, on observe
que les grandes entreprises européennes sont
toujours plus nombreuses à se doter de plans
d'actionnariat salarié et à voir des salariés
participer à leur actionnariat. En 2023, 95%
des grandes entreprises avaient un actionnariat
salarié et 58% avaient des plans démocratiques
pour tous leurs salariés, tandis que 32% ont
lancé de nouveaux plans.
Quant
aux salariés, la tendance est toujours à la
croissance des capitaux qu'ils détiennent
en actions de leur entreprise, 441 milliards
d'Euro en 2023. Ils sont des millions à en
bénéficier, cela représentait 34.400 Euro
en moyenne pour chaque actionnaire salarié
(hors dirigeants exécutifs). Tous les chiffres
montrent que les actionnaires salariés dans
les grandes entreprises sont engagés pour
le long terme, considérant que la balance
des risques et des bénéfices penche nettement
à leur avantage.
Ainsi
l'actionnariat salarié apparaît toujours plébiscité
aussi bien par les entreprises que par les
salariés qui ont la possibilité d'y avoir
accès. Alors pourquoi la dégradation de l'actionnariat
salarié observée dans les grandes entreprises
européennes?
Parce
que les plans et les politiques d'actionnariat
salarié sont de moins en moins efficaces dans
les grandes entreprises. Parce que les politiques
restent nationales, alors que les salariés
des grandes entreprises sont de plus en plus
basés en dehors de leur pays de base. C'est
le phénomène bien connu de délocalisation
des emplois (Graphe 4)
En
effet, sans soutien, le salarié n'a généralement
pas les moyens d'investir financièrement dans
son entreprise. Promouvoir l'actionnariat
salarié démocratique est un choix politique,
il s'appuye généralement sur des encouragements
fiscaux. Aujourd'hui, seuls 35% des salariés
des grandes entreprises européennes sont encore
localisés dans leur pays de base. Ils ne sont
donc plus qu'une petite minorité à pouvoir
bénéficier des incitant fiscaux à l'actionnariat
salarié organisés par les législations nationales.
Ainsi
les politiques d'actionnariat salarié, parce
qu'elles sont restées nationales, ont perdu
30% de leur efficacité en quelques années.
C'est ce qui explique pourquoi les efforts
législatifs récents dans plusieurs pays (Loi
Pacte en France, multiplication par quatre
des incitants fiscaux en Allemagne) n'ont
eu aucun impact significatif sur l'actionnariat
salarié dans les grandes entreprises.
Ce
constat sanctionne l'échec de l'Europe à promouvoir
une politique d'actionnariat salarié démocratique.
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